Depuis les années 70, de nombreuses recherches sur les pratiques d’enseignement (e.g. Rosenshine & Stevens, 1986 ; Brophy & Good, 1986) ont été menées à partir d’observations menées dans des centaines de classes afin de mettre en évidence les pratiques d’enseignement plus efficaces et les pratiques d’enseignement moins efficaces.
L’enseignement efficace est défini ici au sens de Bloom (1979 in Demeuse, Crahay & Monseur, 2005, pp. 393-394) : « selon lui, un enseignement efficace se caractérise par trois effets conjoints : une élévation de la moyenne de l’ensemble des résultats ; une réduction de la variance de l’ensemble des résultats ; une diminution de la corrélation entre l’origine sociale de chaque élève (et plus généralement ses caractéristiques initiales) et ses résultats ». Les pratiques d’enseignement efficaces sont donc également équitables, car elles permettent à tous les élèves de progresser. Voici quelques exemples de pratiques d’enseignement efficaces et équitables mises en évidence par ces recherches : objectiver la compréhension des élèves toutes les deux à trois minutes, fournir des feedbacks appropriés, interroger tous les élèves (et pas seulement les volontaires qui connaissent en général les réponses)…
Après avoir mis en évidence les pratiques des enseignants les plus efficaces grâce aux observations menées dans les classes, ces chercheurs ont mené des recherches expérimentales (e.g. Good & Grouws, 1979) comparant des enseignants entraînés aux pratiques efficaces et des enseignants non entraînés (Bissonnette, 2014 ; Rosenshine, 1986). C’est notamment le cas de Rosenshine (1986) dont le modèle de l’enseignement explicite a été élaboré à partir des pratiques les plus efficaces identifiées sur le terrain (temps 1) et a ensuite été validé de manière expérimentale (temps 2).
En complément, cette capsule vidéo présente ce qu’est l’enseignement efficace et comment les recherches sur l’enseignement efficace ont été menées. Elle présente également brièvement les grandes fonctions de l’enseignement, à savoir la gestion de l’enseignement-apprentissage, la gestion des comportements et la gestion du curriculum.
L’efficacité de l’enseignement explicite ayant été mise en évidence dans plusieurs méta et mé-analyses, cette capsule vidéo présente brièvement ce que sont les méta et méga-analyses, c’est-à-dire des synthèses d’études scientifique rigoureuses qui permettent de mettre en évidence l’efficacité de telle ou telle pratique. Cette capsule aborde également les limites de ce type de synthèses et les critères pour réaliser « une bonne méga-analyse ».
Le terme « enseignement explicite » n’est pas un synonyme du terme « enseignement efficace » . La figure ci-dessous illustre la différence entre les termes « enseignement efficace » et « enseignement explicite ». L’enseignement explicite fait partie de la famille des approches pédagogiques efficaces (Gauthier & al., 2013). En effet, cette approche pédagogique (1) a été élaborée sur la base d’observations des pratiques d’enseignement plus efficaces sur l’apprentissage des élèves et des pratiques d’enseignement moins efficaces (2) a fait l’objet de recherches empiriques ayant démontré son efficacité. Par ailleurs, l’enseignement explicite ne constitue pas l’unique approche pédagogique efficace. Les points de suspension de la figure 2 illustrent le fait que 1) la liste des approches pédagogiques efficaces présentées dans cette figure n’est pas exhaustive ; (2) d’autres approches pourraient être intégrées dans la famille des approches pédagogiques efficaces, à condition que leur efficacité soit prouvée selon les mêmes critères.
L’enseignement explicite est souvent assimilé à l’enseignement magistral alors qu’il en est très différent. Gauthier, Bissonnette et Richard (2013) mettent notamment en évidence quatre différences majeures entre l’enseignement explicite et l’enseignement magistral. Premièrement, l’enseignement magistral prend la forme d’un monologue de la part de l’enseignant alors que l’enseignement explicite prend la forme d’un dialogue constant entre l’enseignant et les élèves notamment sous la forme de questions-réponses. Deuxièmement, dans l’enseignement magistral, la vérification de la compréhension des élèves a lieu à la fin de la leçon, tandis que dans l’enseignement explicite, cette vérification se fait toutes les deux à trois minutes. Troisièmement, lorsqu’ils suivent un enseignement magistral, les élèves sont passifs, ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils suivent un enseignement explicite qui, au contraire, les sollicite constamment pour des réponses verbales, écrites, gestuelles… Enfin, dans l’enseignement magistral, l’enseignant passe de la théorie aux exercices sans passer par une étape de pratique guidée. Dans l’enseignement explicite, les exercices sont importants (pour permettre la rétention en mémoire à long terme et l’automatisation) mais sont précédés des étapes de modelage et de pratique guidée.
L’enseignement explicite propose d’aborder les apprentissages du simple au complexe pour éviter la surcharge cognitive, contrairement à d’autres approches telles que l’approche par la découverte, qui proposent d’aborder les apprentissages directement par la complexité.
Pour éviter des débats simplistes sur l’opposition stricte entre ces deux approches, Gauthier et ses collègues (2013) proposent de les placer sur un continuum : « La critique de cette opposition peut laisser croire que nous pensons que les pédagogies de la découverte sont nulles et non avenues en toutes circonstances. En fait, il ne s’agit pas de choisir entre l’une ou l’autre approche, entre l’enseignement explicite et l’apprentissage par découverte. Il ne s’agit pas non plus d’opter pour le principe du juste milieu et de saupoudrer un peu de tout, car, selon les contextes, des positions mitigées peuvent s’avérer inefficaces. Nous gagnerions plutôt à situer les approches sur un continuum, comme le propose Carnine (1994) » (p. 37).
La figure 3 présente le continuum du niveau de soutien pédagogique proposé par Gauthier et ses collègues (2013).
Les principes de ce continuum sont les suivants : plus les élèves sont débutants (ou en difficulté), plus ils ont besoin d’étayage et de guidage de la part de l’enseignant : l’enseignement est alors structuré et explicite et commence par des tâches simples pour aller graduellement vers des tâches complexes au fur et à mesure que les élèves progressent. Si l’enseignant a affaire à des élèves qui ont acquis les compétences nécessaires, il peut leur donner moins d’étayage et les mettre face à des tâches complexes directement.
On le voit bien, cette façon de voir les choses n’interdit pas le recours aux approches par la découverte et n’est pas basée sur une vision manichéenne des choses. Les stratégies pédagogiques sont modulées par l’enseignant en fonction du niveau de compétence de ses élèves, de la complexité de la tâche et du temps dont il dispose (Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013).
En fait, dans l’enseignement explicite, les élèves sont également confrontés à des tâches complexes, comme le préconisent les réformes de l’enseignement centrées sur l’approche par compétences. La différence entre l’enseignement explicite et les approches par découverte en ce qui concerne les tâches complexes est le moment auquel les élèves y sont soumis. Dans les approches par découverte, on donne tout de suite les tâches complexes aux élèves. Dans l’enseignement explicite, on s’assure d’abord que l’élève maîtrise toutes les habiletés simples nécessaires à la réussite de la tâche complexe avant de lui soumettre : « Une fois les habiletés spécifiques maîtrisées, la démarche d’enseignement explicite se préoccupe de favoriser le transfert en amenant les élèves à les mettre en application dans des situations plus complexes » (Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013, p. 64).
Pour toute question relative aux travaux de recherche et de formation sur l’enseignement explicite menés par le service de Méthodologie et Formation, vous pouvez prendre contact avec Marie Bocquillon et Antoine Derobertmasure à l’adresse suivante :
antoine.derobertmasure@umons.ac.be
Les travaux de recherche et de formation liés à l’enseignement explicite sont menées sous la direction du Prof. Marc Demeuse (Chef de service dans le service de Méthodologie et Formation) :